Le coût de l’impayé : fléau de l’économie française
Dans la rubrique Actualité du crédit
Le recouvrement de créances et le renseignement commercial représentent un marché en croissance structurelle du fait de l'augmentation nette des échanges mondiaux et du recours accru au crédit, et donc aussi des risques. Ce marché compte environ 500 acteurs et pèse plus de 500 millions d'euros de chiffre d’affaire par an. La présente synthèse met en lumière le rôle très actif de l’ANCR, le syndicat national des cabinets de recouvrement de créances et de renseignements commerciaux, le chiffrage du coût de l’impayé et ses conséquences sur l’économie française ainsi que les recommandations proposées par le syndicat pour y remédier.
L’ANCR et le marché du recouvrement de créance et du renseignement commercial
L'ANCR est le syndicat de référence du recouvrement de créances et du renseignement commercial en France, accompagnant le développement de ses membres et assurant la promotion du rôle clé de leurs métiers dans l'économie française ; ses activités se doublent d'une réflexion approfondie sur les freins pesant sur notre tissu économique, contribuant ainsi au débat public absolument nécessaire, en l’occurrence, sur le fléau de l'impayé en France.
L'ANCR est le premier syndicat des professionnels du recouvrement de créances et du renseignement commercial en France par son ancienneté et par le nombre de ses membres, composé majoritairement de dirigeants, actionnaires patrimoniaux de leurs entreprises. L'ANCR est membre fondateur de la très dynamique FENCA (Fédération Européenne des Associations Nationales du Recouvrement et du Renseignement) et reconnu au niveau européen comme l'interlocuteur de référence du recouvrement et du renseignement commercial en France.
Tous les membres de l'ANCR sont signataires de la charte de déontologie, créée dans les années 1980 et toujours très actuelle. Les professionnels adhérents permettent de recouvrer plus de 1,5 milliard d'euros de créances civiles et commerciales par an.
Pourtant, le coût de l’impayé en France demeure un problème récurrent.
Les conséquences du coût de l’impayé en France
Le coût de l'impayé est un véritable fléau pour l'économie française.
Cette réalité, souvent mal appréhendée par les pouvoirs publics, est au cœur des préoccupations et des missions des cabinets de recouvrement de créances, au rôle absolument majeur pour le tissu économique de notre pays.
1- Quels sont les grands chiffres et données de l'impayé en France ?
En moyenne, chaque année, 56 milliards d'euros de créances impayés (source : COFACE), soit environ de 2% du PIB, sont contrepassés aux comptes pertes et profits des entreprises françaises.
Si les délais de paiement étaient respectés, la trésorerie libérée serait par an de 12 milliards d'euros. Seuls environ 2 milliards sont recouvrés chaque année. Plus d'une procédure collective sur 4 est causée par des problèmes d'impayés et de retards de paiement.
Ces données et ces chiffres sont révélateurs de l'enjeu macroéconomique qu'il y a de lutter contre les impayés et retards de paiement, la prise en compte de ces paramètres constituant ce que l'on nomme le « coût de l'impayé ».
Dans tous les pays économiquement développés et notamment dans les pays anglo-saxons et germaniques, les acteurs naturels de la lutte contre les impayés et les retards de paiement sont les sociétés de recouvrement amiables de créances.
En France, le recouvrement de créances est une activité réglementée consistant à utiliser tous les moyens légaux, amiables ou judiciaires, pour obtenir d'un débiteur le paiement spontané de la créance due au créancier, car l'impayé n'est pas une fatalité. Les cabinets de recouvrement de créances constituent de fait les alliés incontournables des entreprises, parallèlement et de façon complémentaire aux rôles des avocats et huissiers, avec comme spécificité des honoraires uniquement aux résultats.
Il s’agit donc d’un rôle primordial dans la lutte contre les retards de paiement et les impayés s’accumulant dans l’hexagone.
2- Sur les comportements de paiement en France :
S'agissant des comportements de paiement en France et de leur évolution au cours des dernières années :
• en 2015/2016, les délais de paiement poursuivent leur mouvement historique de baisse et atteignent leur point le plus bas depuis 15 ans. Cette tendance générale apparaît néanmoins relativement instable et les périodes de rationnement du crédit engendrent des hausses significatives des délais de paiement constatés. Par ailleurs, la baisse tendancielle des délais de paiement ne se traduit pas forcément par un allègement de la charge financière globale liée pesant sur les entreprises ;
• au premier trimestre 2016, la France présentait une proportion de paiements sans retard de 38,1 %, inférieure à la moyenne des principaux pays européens qui s'établissait à, 41 %, très loin de là moyenne allemande qui se situait à 71,5 % ;
3- Sur l'impact microéconomique des retards de paiement et impayés :
En termes de préjudice pour l'entreprise créancière, les retards de paiement génèrent :
• des surcoûts liés aux coûts directs et indirects de recouvrement et aux coûts de l'éventuel financement alternatif du poste clients à mettre en place ;
• un gain manqué lié à l'absence de rémunération pour l'entreprise de la trésorerie qui aurait dû être encaissée à échéance de la facture ;
• une perte de chance de continuité d’exploitation ;
• un préjudice d'image.
Deux études de cas ont également permis de mettre en avant les conclusions suivantes :
• pour une entreprise française moyenne, les retards de paiement engendrent des coûts élevés ;
• les coûts sont beaucoup plus significatifs pour les entreprises intervenant dans des secteurs d'activité BtoC, présentant un nombre élevé de créances d'un montant unitaire faible, par rapport aux entreprises intervenant dans des secteurs d'activité BtoB ;
• seule une part minoritaire de ces coûts est liée à la rémunération des intervenants externes de recouvrement ;
• le préjudice privé ne constitue qu'une petite partie du coût social qui se caractérise par l'augmentation du risque de défaillance du fait des retards et impayés de paiement.
4- Sur l'impact macroéconomique des retards de paiement et impayés :
• la trésorerie qui serait libérée, dans l'hypothèse du strict respect de la loi, est estimée à 12 milliards d'euros par an, soit environ 0,4 % du PIB ; ces chiffres peuvent atteindre 16 milliards d’euros pour les petites et moyennes entreprises et 4 milliards d’euros pour les entreprises de taille intermédiaire.
• ces sommes seraient financées par les grandes entreprises, les sociétés financières, l'Etat, les collectivités locales et les non-résidents.
Pistes de réflexion et de réformes portées par l’ANCR
En France, les sociétés de recouvrement de créances et de renseignement commercial pourraient contribuer à une diminution plus large de ces mauvais chiffres si étaient levés les obstacles qui entravent l’exercice de leur mission.
Ces obstacles ne sont pas difficiles à lever. Il suffirait pour les éradiquer de modifier très légèrement certains textes déjà existants. Ainsi :
- L’article L 125-1 du Code des procédures civiles d’exécution sur la procédure simplifiée du recouvrement des petites créances réservée aux seuls huissiers de justice alors que la participation des sociétés de recouvrement amiable de créances en liaison avec les huissiers de justice rendrait l’application de ce texte particulièrement efficace ce qui n’est pas le cas depuis qu’il est entré en vigueur.
- La tarification des mandataires judiciaires sur le recouvrement des impayés qui les décourage de faire appel à des tiers pour le recouvrement des créances impayées du failli et qui fait que ce problème pour le moins essentiel est à peine traité par les études.
- La loi du 30/12/2004 réservant aux seuls huissiers de justice le recouvrement amiable des créances publiques, alors même qu’ils ne bénéficient d’aucun monopole en matière de recouvrement amiable et que leur cœur de métier est le recouvrement forcé.
- L’article 853 du CPC qui permet pourtant à quiconque et notamment aux sociétés de recouvrement de créances de représenter les créanciers à moindre frais devant les tribunaux de commerce mais qui a été rendu inefficace par une jurisprudence récente ne réservant cette possibilité qu’aux seuls avocats.
- Les textes exonérant directement ou indirectement, les débiteurs particuliers de toute responsabilité au titre des impayés dont ils sont à l’origine. Cette absence de responsabilisation s’est vue confortée par des textes récents (« Loi Hamon ») et des prises de position contestables de certaines administrations telle la DGCCRF.
Thierry Gingembre, Président de l’ANCR (www.ancr.fr)
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